Elle, Une Chic Fille

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Cette semaine Charlotte est en couverture du magazine Elle : au programme Interview post-trauma et promo pour I’m Not There + séance photo glam dans la nuit de Paris avec notamment Balenciaga.

On adore son style, son look et sa simplicité, sa voix basse et son regard doux. Il y a quelques semaines, elle a eu très peur, et nous aussi ! Mais son opération d’urgence est déjà loin. En pleine forme aujourd’hui, elle nous raconte comment cet accident a réveillé ses désirs.

ELLE. Comment allez-vous ?
CHARLOTTE GAINSBOURG. Ça va. Ça a été éprouvant, ça fait peur, mais ça va. Je n’ai pas eu si mal que cela. Les maux de tête, surtout, ont été difficiles.

ELLE. Ce sont les maux de tête qui ont entraîné votre hospitalisation ?
C.G. Je n’avais jamais eu de migraine. Là, c’était un truc à ne pas pouvoir ouvrir les yeux, je me cognais contre les murs, j’étais clouée. On m’a donné des médicaments très forts, et je me suis dit: bon, OK, je vais à Venise (au Festival du film, ndlr) pour la projection de « I’m Not There »*, de Todd Haynes, sur la vie de Bob Dylan. J’arrivais à sourire, à être à peu près en phase… Mais j’étais ailleurs. Sans entrer dans les détails, heureusement que j’ai eu ma soeur Kate au téléphone. C’est elle qui m’a dit de faire un scanner. J’ai atterri de Venise, pour aller direct du scanner à l’hosto.

ELLE. En fait, vous aviez eu un accident de ski nautique un mois auparavant…
C.G. Oui, une chute banale, qui a entraîné une hémorragie. Au bout d’un mois, j’avais 300 ml de sang dans la tête. Le médecin m’a dit : « Normalement, vous devriez être hémiplégique, dans le coma, pas debout en tout cas. » L’opération avait l’air simple. Il fallait juste faire un trou pour que le sang s’échappe. C’était très grave et en même temps pas grave du tout, vu que ça se passait au-dessus du cerveau et pas dedans.

ELLE. Vous avez eu peur ?
C.G. J’ai eu peur après coup. Et d’abord des médias…

ELLE. Pourquoi ?
C.G. Je suis en soins intensifs et j’entends qu’il y a des journalistes partout en bas de l’hôpital. Je me dis : putain, ils vont débarquer, j’ai un bandage, un drain, une petite poche pour que le sang puisse s’écouler… (Rires.) On n’a pas envie de penser à ce genre de chose dans ces moments-là. Et puis, une autre peur a surgi après, quand j’ai réalisé ce à quoi j’avais échappé. Tout ce qui touche le cerveau est très angoissant. Mais j’ai eu une telle chance, honnêtement je ne peux être que très reconnaissante. Si j’ai un conseil à donner : quand on a une inquiétude, on fait un scanner, et puis voilà.

ELLE. Et ça va mieux ?
C.G. Ça va très bien, je me sens bien, je peux tout faire. Bon, je suis en convalescence, je dois y aller mollo. Mais je vis normalement.

ELLE. Et maintenant ?
C.G. Il y a plein d’étapes. En rentrant de l’hôpital, je pétais la forme parce que j’étais en vie, et puis, deux jours plus tard…Voilà. C’est ce que tous les gens qui sont en convalescence connaissent. Il faut que je reprenne un peu le dessus. C’est ma première interview, et c’est très bien de retrouver une vie un peu normale, petit à petit.

ELLE. Est-ce que cet accident a changé des choses dans votre vie ?
C.G. J’ai envie d’être heureuse, d’être là, c’est un peu bébête, je ne sais pas comment le formuler… Mais, voilà, apprendre à respirer, profiter de la vie ! (Rires.)

ELLE. Jusqu’ici, ça n’était pas le cas ?
C.G. Il y avait beaucoup de peur, j’ai toujours eu peur, je suis une fonceuse mais avec tellement de craintes, d’a priori sur moi, de doutes, etc. Je les aurai toujours, ces doutes-là, mais si je pouvais juste me dire qu’il y a autre chose d’un peu plus primordial que d’avoir peur.

ELLE. En même temps, la peur semble être chez vous un vrai moteur.
C.G. C’est comme ça que je fonctionne. Elle m’accompagne sur tous les films, elle m’accompagne dans la vie, elle m’a accompagnée sur l’album (« 5:55 », ndlr). Si je pouvais juste me détendre…

ELLE. Parlons de l’album, ce fut un vrai succès…
C.G. … que je n’avais pas du tout imaginé. Je l’ai fait le plus égoïstement possible. Avec des gens que j’admirais, en petit comité. J’ai voulu en assurer la promo le mieux possible. J’avais envie de dire que c’était très personnel et de l’expliquer. Parfois, je me suis fait prendre à mon propre piège. J’avais envie de parler de mon père, parce que, évidemment, ça faisait partie de toute l’histoire. Je disais trop de choses et après je regrettais. En même temps, je ne pouvais pas passer à côté. C’était très important pour moi de parler de lui, de parler de mes sensations, et les sensations, c’est très intime. Après, ça me plongeait dans quelque chose où personne ne pouvait plus m’aider. Mais c’est une promo que j’ai eu beaucoup de plaisir à faire. J’étais dans un état très spécial, parce que c’était intime et difficile. Ce sont de drôles de métiers quand même. Bientôt, le nouveau single va sortir (« Everything I Cannot See »), c’est le titre que j’ai toujours préféré de l’album et on l’a gardé pour la fin !

ELLE. Vous donnez l’impression de vous être un peu « décontractée ».
C.G. C’est peut-être l’âge aussi. Lors de la sortie de l’album, je faisais plus gaffe aux mauvaises critiques sur Internet !

ELLE. Masochiste ?
C.G. C’était mon premier disque, j’étais un peu sur tous les fronts, à m’intéresser à tout. Alors, bien sûr, quand, sur iTunes, je vois écrit « critiques des utilisateurs », je regarde et là je lis : « Si c’était pas pour son père et sa mère, on n’aurait jamais entendu parler d’elle…» (Rires.)

ELLE. Heureusement, vous avez été élue « la femme la plus élégante au monde » par la revue américaine « Vanity Fair ».
C.G. Enfin parmi « les »… Ça m’a fait vachement plaisir. C’était à la fois rigolo et flatteur.

ELLE. Vous êtes aussi l’image de Gérard Darel, dont les campagnes avec vous ont cartonné.
C.G. Oui, et ça m’a fait beaucoup de bien. Quand ils m’ont proposé ce contrat, à l’époque, aucune marque ne me sollicitait, contrairement aux autres actrices. J’avais fini par penser que je n’avais pas le physique requis. Et puis, je succédais à Stephanie Seymour, ce qui est plutôt flatteur ! Maintenant, j’ai envie de retrouver un peu de ma liberté, mais de continuer, pourquoi pas, à jouer les modèles…

ELLE. Vous venez de la rue de Verneuil, où se trouve la maison de votre père…
C.G. L’idée du musée avance. Ça fait quinze ans que je porte ce projet. Mais, maintenant, je suis vraiment aidée, par l’équipe de Jean Nouvel et par une amie, Daniela Romano, qui s’en occupe à fond. On commence le stade de la recherche de financement et de mécénat. C’est tellement personnel, cette rue de Verneuil, c’est tellement privé. C’est drôle d’avoir gardé quelque chose de très intime, un petit sanctuaire où l’on est la seule à pouvoir entrer… En même temps, je veux que ce soit public et je vais tout faire pour.

ELLE. On a l’impression que vous grandissez…
C.G. Ce sont des étapes. Je ne suis pas quelqu’un de très spirituel, j’ai du mal à donner aux choses des raisons qui ne soient pas matérielles, factuelles, et je m’en empêche, je ne sais pas pourquoi, je préfère être carrée. Ça me rassure.

ELLE. Vous voulez que les choses se fassent, sans trop avoir conscience de pourquoi elles se font.
C.G. Exactement. J’ai toujours aimé garder de la naïveté, de l’inconscience.

ELLE. On a l’impression que vous vous jugez tout le temps.
C.G. Heureusement, je ne suis pas comme ça au quotidien. Après l’opération, je me suis surtout dit que j’avais très envie de travailler, j’ai pensé au temps qui me reste. Je n’ai pas 22 ans et plein de films devant moi. Non, j’ai 36 ans. Je veux être capable de faire des films dont je sois fière et ça ne vient pas comme ça. L’opération m’a fait l’effet d’un choc électrique, je ne veux pas me retrouver à 45 ans et me dire « Si seulement j’avais »… Je ne veux pas avoir de regrets. C’est un métier où l’on peut être facilement aigri.

ELLE. L’amertume est un sentiment qui vous a déjà effleurée ?
C.G. Pas encore. Mais ça peut venir.

ELLE. Il vous arrive de penser : « J’aurais dû faire ça » ?
C.G. Non, mais quand je revois, non pas des films parce que je ne revois jamais mes films, mais des photos de moi à 25 ans, je me dis : merde j’étais pas si mal. Pourquoi ce malaise ? Parce que j’ai vécu quotidiennement avec un malaise physique. Dommage que je ne me sois pas détendue un peu plus tôt.

ELLE. Ça vous embête ?
C.G. Surtout par rapport au métier d’actrice, par rapport à l’image, par rapport aux rôles. C’est comme une espèce de compte à rebours, dont je suis consciente depuis que j’ai 30 ans. J’ai 36 ans, je vais avoir 40 ans, et les rôles de 20 ans, je ne les aurai plus.

ELLE. Les choses n’évoluent pas plus que ça dans le cinéma ?
C.G. Les grandes actrices qui ont des beaux rôles passé 50 ans, on les compte sur les doigts d’une main.

ELLE. Vous aurez toujours un rôle dans les films de votre amoureux, Yvan Attal !
C.G. Il tournera avec d’autres, je dois m’y attendre ! C’est vrai qu’il me rassure parce qu’il a confiance en moi. Mais il est metteur en scène et n’a pas les mêmes angoisses. J’ai envie d’avoir des projets. De bouger. Les tournages du film de Todd Haynes et de celui de James Ivory, ça m’a donné envie de tourner encore aux Etats-Unis. Sans trop savoir. Mais j’aimerais faire plus de va et-vient…

ELLE. Saint-Germain-des-Prés ne va pas vous manquer ?
C.G. Moi, je me sens parisienne. J’ai vécu dans ce quartier toute ma vie, j’ai été élevée dans ce quartier, donc ce sont des racines que je ne perdrai jamais. Et puis, chaque fois que je dis que je vais bouger… On n’a jamais autant déménagé mentalement et physiquement avec Yvan depuis quinze ans qu’on est ensemble, on a fait 18 appartements et c’est très bien, on a des envies qui changent tout le temps.

ELLE. Vous avez bouffé du lion !
C.G. (Elle boit du thé vert, une deuxième théière !) Je suis restée passive très longtemps… J’attendais, je ne faisais rien, les gens avaient l’impression que je n’avais pas vraiment envie de bosser, et peut-être qu’intérieurement je n’avais pas envie de bosser. J’ai eu une enfance rythmée par un film tous les étés, et je ne me rendais alors pas compte de ma chance. Le jour où, après «Merci la vie », je me suis dit : maintenant je suis actrice, je n’ai rien fait, ça ne venait plus. Et moi, je n’étais plus à l’école, j’étais sur mon canapé à attendre. C’était très angoissant, et puis c’était une période où je n’allais vraiment pas bien, vers l’âge de 19 ans…

ELLE. Et aujourd’hui ?
C.G. Je me sens plus active, il y a beaucoup de choses excitantes. Le film de Todd Haynes, qui est un vrai trip, un deuxième album peut-être…

ELLE. Et le programme pour les semaines à venir ?
C.G. Je vais accompagner « I’m Not There » pour sa sortie dans certains pays et tourner le clip du nouveau single de mon album avec Yvan.

Interview de Marion Ruggieri Le 22 Octobre 2007 * En salles le 5 décembre.

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