Charlotte Gainsbourg : « J’aime l’épreuve » (Psychologies)

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Propos recueillis par Anne Laure Gannac, Psychologies Magazine, Octobre 2014

À l’affiche de trois films cet automne, dont le très attendu “Samba” d’Olivier Nackache et Éric Toledano, Charlotte Gainsbourg s’impose, à 43 ans, comme une actrice incontournable. Mais c’est sa vie de femme et de mère de famille qu’elle veut privilégier, en choisissant de s’installer outre-Atlantique. Extraits de notre rencontre avec la nouvelle Charlotte, à retrouver en intégralité dans le Psychologies Magazine en kiosque actuellement.

Sa voix surprend. On s’attendait à devoir tendre l’oreille, habituée à ce chuchotement brisé que Charlotte Gainsbourg impose depuis la sortie de L’Effrontée. Et que l’on retrouve, presque trente ans plus tard, dans ses rôles d’amoureuse vulnérable dans Trois Coeurs et Samba. Mais aujourd’hui c’est une voix affirmée qui nous parle, avec, toujours, cet accent enfantin, sinon qu’il lui donne ici la force de la gaieté. Elle se justifie : « C’est l’effet du téléphone, je suis toujours plus à l’aise sans les regards. Et puis je me trouve dans un bel hôtel, face à la plage, il fait beau… »

Entre deux vols pour New York, Charlotte fait escale à Venise. Elle y présente Trois Coeurs, le film de Benoît Jacquot en compétition à la Mostra, ainsi que la version longue de Nymphomaniac de Lars von Trier, projetée juste pour le plaisir, si l’on peut dire. « 5h30 de sexe, c’est très chaud ! » lance-t-elle en riant. C’est aussi cela, Charlotte : une légèreté, en tout cas une envie de s’amuser pour écarter, un instant, l’inquiétude. On avait failli l’oublier, ces dernières années, à force de rôles torturés.

On en était venue à penser que, chez elle, le goût de la souffrance avait définitivement pris le dessus. Elle nous fait entendre le contraire : même si elle a toujours tendance à se cacher derrière un rideau de mèches décoiffées, Charlotte se sent plus assumée. Plus forte ? N’exagérons pas : « Plutôt en bonne voie pour le devenir, bientôt… peut-être… » À n’importe quelle femme et mère de 43 ans, on répondrait : « Il serait temps ! »

Mais Charlotte, ce n’est pas pareil. On les « connaît » depuis trop longtemps, elle et sa vulnérabilité, elle et sa famille d’origine, aussi attachante que hors normes et instable, elle et son parcours semé d’accidents : séparation des parents, mort du père adoré dont elle a cru ne jamais pouvoir se remettre, accident cérébral en 2007, dont elle nous avoue qu’il l’a fait sombrer un moment. Et disparition de sa soeur, la photographe Kate Barry, en décembre dernier. On sent que ces drames, ce dernier en particulier, sont trop marquants pour être éludés. Mais qu’en même temps elle voudrait savoir se taire : « Je ne peux pas parler de cela, je ne veux pas, une fois que c’est écrit, c’est affreux… »

Encore une chose que l’on avait peut-être oubliée : son attirance pour le silence. Cette pudeur, loin d’être feinte, est sans doute son plus solide rempart contre l’abandon total à la notoriété. De Venise, elle partira directement vers New York, sa nouvelle ville, où l’attendent mari – Yvan Attal – et enfants. Plus fiable que le silence ou que des mèches de cheveux devant les yeux, rien de tel qu’un déménagement à l’autre bout du monde pour se maintenir à distance.

Psychologies : Dans « Samba » comme dans « Trois Coeurs », vous incarnez une femme fragile, que l’on sent toujours à la limite de l’effondrement. Est-ce un état qui vous parle, encore aujourd’hui ?
Charlotte Gainsbourg : Dans cette façon d’être un peu toujours à côté de la plaque et isolée, à l’écart, oui. Ce n’est pas que je sois réellement comme cela dans la vie, mais je peux comprendre cet état, et j’en suis plus proche que de l’extraversion, c’est certain.

Et la dépression, comme l’un de vos personnages l’a vécue ? Vous avez souvent évoqué votre difficulté à surmonter la mort de votre père, notamment…
C.G. : Cela et mon accident cérébral, la perte de ma soeur… Disons que j’ai traversé des épisodes sombres et que je ne me débrouille pas très bien du malheur en général. [Silence.] Mais tout cela est très impudique… Cette façon d’exposer mes douleurs… Ce n’est pas que j’ai du mal à me confier, au contraire, je peux facilement parler de mon intimité, mais après, quand je le vois écrit dans un magazine, je m’en veux terriblement.

Je retourne la question,: avez-vous le sentiment de savoir un peu plus ce qui vous fait du bien ?
C.G. : [D’une voix soudain enthousiaste.] Oui ! Enfin, c’est tout récent… Mais ça y est, je crois : je sens, je sais que je veux faire attention à moi. Je veux prendre soin de moi. Pour mes enfants, bien sûr, mais avant tout pour moi. Même si cela peut sembler très égoïste.

Quel a été l’élément déclencheur ?
C.G. : La disparition de ma soeur. Quand on traverse cela, quand on perd quelqu’un d’aussi proche et aimé, soit on se réveille avec une très forte envie de vivre, soit on n’en a plus du tout envie. Il a fallu que je me ressaisisse. Cela m’a fait prendre conscience de ce que je voulais pour moi. Sans doute pour la première fois de ma vie. Parce que, lorsque j’avais vécu le choc de la mort de mon père à 19 ans, je n’avais pas les armes pour me reprendre en main.

 Suite de l’interview dans la magazine en kiosques…

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