Le Journal du Dimanche, 3 décembre 2011
« C’est un disque d’inconfort assumé », dit Charlotte Gainsbourg à propos de son Stage Whisper, à paraître lundi, fort de huit titres inédits en plus de dix autres versions live qui « documentent » sa tournée mondiale de 2009, juste avant le tournage de Melancholia. « J’aime l’inconfort d’un album qui ne ressemble pas à grand-chose, passe de l’électro à la folk. Je me retrouve dans toutes ces facettes. » À ses côtés, on y retrouve pourtant des cadors, le Californien Beck, qui fut son bon génie sur IRM, ainsi que quatre jeunes Anglais à suivre. « Je n’aspire pas à être une bête de scène, mais j’aime être sincère », prévient-elle. Et un peu « schizo » aussi : passant sans ambages de la dance énervée aux ballades les plus suaves, des tournages très austères de Lars von Trier à l’ambiance agitée des festivals rock, elle nous révèle une interprète de plus en plus sûre de ses instincts. « Mon père m’avait appris à apprécier les accidents et imperfections en musique. La scène m’a rappelé cela et aidée à profiter de mes défauts. »
Pourquoi ne pas avoir gardé ces huit inédits pour un prochain disque?
Un nouvel album serait une aventure calculée, réfléchie. Mais là, je trouvais très bien d’avoir cette liberté de sortir des titres très mélangés, sans aucune cohérence, faits sur une période relativement courte avec des artistes que je ne connais pas encore bien comme Charlie Fink, du groupe Noah and the Whale, ou Asa, d’Electric Guest. Il y a aussi The Villagers et Connan Mockasin, dont j’aime beaucoup le travail. C’est un gars encore plus timide que moi, très délicat. J’aime sa manière de jouer, sa voix marche très bien avec la mienne. Il a une bonne équipe, le résultat de notre collaboration est très différent de ce que j’ai fait avec Beck. C’est lui qui reprendra les titres créés avec Beck lors du mini-concert acoustique prévu pour l’enregistrement du 10 décembre, dans le cadre d’une spéciale de Canal + [diffusion prévue en janvier].
Vous avez exclu les deux titres de votre père, qui vous ont pourtant accompagnée sur la tournée?
Reprendre Couleur café et L’Hôtel particulier sur scène, je m’en étais fait un devoir. C’était normal, cela m’avait inspirée pour IRM. Mais je n’en voulais pas de traces sur le disque, je trouve les versions live pas assez peaufinées. Et puis, c’est très dur de choisir dans le répertoire de mon père. Je préfère m’en priver dans l’immédiat.
Pas de collaboration non plus avec Pete Doherty, votre partenaire de cinéma dans Confession d’un enfant du siècle? Ni avec votre frère, Lulu?
Non. Lulu avait besoin de faire son disque de son côté. Bien sûr, il m’a parlé de son projet, mais sans m’y mêler. Et Doherty, cela n’a rien à voir. C’était un tournage très concentré sur ses personnages, son époque. Il n’était pas question de musique.
Vous n’écoutez pas de musique sur un plateau?
Si, mais plutôt du classique. Dans la vie aussi, j’écoute Chopin, Beethoven ou Bartok. Je trouve plus facile d’être envahie par du classique que par des musiques modernes pour lesquelles je suis toujours un peu plus lente et en retard. En ce moment, je découvre et apprécie la pop sauvage de Florence and The Machine. Mais il s’agit de Lungs, l’album d’avant, et non le nouveau…