Charlotte Gainsbourg, extrême (Le Point)

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Par François-Guillaume Lorrain, Le Point, 30 Mai 2009

Ce doit être cela, une actrice, une vraie. La veille, dans Antichrist, elle nous fait hurler, nous oblige à fermer les yeux, et le lendemain, en interview, on la retrouve d’une douceur sans pareille, sereine, la parole très fluide. Comme une sportive après l’exploit, fière et soulagée de s’être prouvé qu’elle pouvait le faire. Yes, we Cannes !

Et dire qu’elle ne devait pas l’avoir, ce rôle dont on lui parlera jusqu’à sa mort. Avant elle, Lars von Trier avait contacté en vain une flopée d’actrices. « A un mois du tournage, il n’avait personne. » A l’époque, elle se remet de son accident cérébral, survenu en septembre 2007. « J’étais heureuse d’être vivante. Mais j’étais dans l’incertitude avec un grand I. Je ne tournais plus. Du coup, je n’avais plus rien à perdre. »

Avec Charlotte, on s’arrête encore à L’effrontée de 14 ans livrée à la gloire comme une biche prise dans les phares d’un 38-tonnes. C’est oublier qu’elle a incroyablement mûri sans rien perdre de ses fragilités. C’est oublier que, dans L’effrontée déjà, il y avait une violence rentrée qui, ici, explose enfin. « J’avais besoin d’exprimer cette violence. Je suis très discrète, mais très exhibitionniste aussi, comme mon père. Au début, j’étais paniquée par ce rôle, ce fut douloureux, mais j’y suis allée. » Anglaise par sa mère, Charlotte a cette faculté des acteurs britanniques d’aller jusqu’au bout.

D' »Antichrist », Charlotte ne parle qu’à sa mère
De Lars von Trier elle parle dans les mêmes termes que de son père : « Ils provoquent, sont mégalos, mais cachent une grande fragilité. Très doux, mais imprévisibles. Pudiques et impudiques. » Elle tombe sur un cinéaste en pleine dépression, qui n’est pas certain de finir le film : « Il ne répondait pas à mes questions sur le scénario, que j’avais couvert de notes pour me rassurer. Il me jetait dans les scènes. Au début, on était nuls, il nous le disait, sans agressivité. Il n’allait pas bien, j’avais envie de tout donner. » Durant le tournage, son mari, Yvan Attal, lui dit en riant qu’il va pouvoir faire un Ma femme est une actrice 2. Mais il pose peu de questions sur ses expériences étranges, que Charlotte ne confie qu’à sa mère, Jane Birkin : « Elle avait connu des tournages très ‘sexe’, elle ne me jugeait pas.« 

Von Trier ne l’a pas prise en traître, tout était écrit dans le script. « Avec un coach, j’ai préparé les scènes d’angoisse, les plus dures à jouer. Les scènes de gore ne me faisaient pas peur, ni la réputation de manipulateur de Lars. » Charlotte a d’ailleurs toujours revendiqué une certaine docilité. « Si j’avais les rênes, je ne pourrais pas m’exprimer. Là, j’en profite. » De fait, le Nicholson de Shining s’est sans doute trouvé une petite soeur. Mais le retour sur terre a été dur : elle enchaîne avec Chéreau. « Il m’a fallu comprendre que je n’avais plus le droit de crier.« 

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