Charlotte Gainsbourg : « J’aime la spontanéité de la scène » (L’illustré)

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Par Stéphanie Billeter, L’illustré, le 16.05.2012

Charlotte Gainsbourg troque sa peau de comédienne pour celle de chanteuse, le temps de la tournée de «Stage Whisper», qui fait une halte le 24 mai à Lausanne.

Cette année, elle a préféré le bus rempli de musiciens aux marches du Festival de Cannes. Charlotte Gainsbourg n’ira pas à Cannes défendre Confession d’un enfant du siècle en lice dans la section Un certain regard. Elle laisse ce rôle, ironie de la situation, au rockeur Pete Doherty, à qui elle en veut d’avoir répandu des rumeurs sur leur prétendue relation durant le tournage. Charlotte Gainsbourg favorise l’intimité avec son public, et c’est tant mieux. L’intimité, ça la connaît. Au téléphone, on a déjà l’impression de parler à une amie. Jointe le lendemain de l’élection présidentielle, elle rigole:«J’ai couru depuis les répétitions pour être à 8 heures à la maison et je suis arrivée à 8 h 5! On a tout suivi en famille et, en ce qui me concerne, ça va très bien.» La voilà boostée pour ses deux mois de tournée, dont un soir aux Docks, à Lausanne.

Que représente la scène, pour vous?
Je ne me rends pas trop compte. Je me suis relancée sur une petite période, spontanément et le plus rapidement possible, car j’ai adoré ma rencontre avec Connan Mockasin. Musicalement, j’ai eu l’impression de découvrir des choses. Le fait qu’il puisse réinterpréter mes morceaux donne une couleur nouvelle. Je n’ai pas de recul sur la scène. J’adore, mais avec énormément de trac. En général, on commence la scène jeune et, à mon âge, on passe à autre chose. Moi, c’est l’inverse.

Ce côté spontané vous change de l’organisation d’un tournage?
Ce sont des domaines qui ne se mélangent pas, je passe d’un monde à l’autre. Sur scène, il y a quelque chose d’immédiat, sans semblant. Il m’est arrivé de passer d’un concert en Angleterre en pleine ambiance de festival au tournage de Lars von Trier au Danemark. Un tel écart, c’était hallucinant à vivre.

Vous privilégiez les petites salles pour votre tournée?
Enfin, quand j’ai dit petites salles au tourneur, je pensais vraiment petit, style café-bar. Là, à Lausanne, ça se rapproche de la Cigale, donc pour moi, ce n’est pas petit.

Ça ne vous fait pas peur, tout de même?
Non, non! L’idée est de pouvoir faire quelque chose d’intimiste, de confortable.

Vous reprenez des titres de votre père…
Pour le choix des chansons, j’étais contente de revisiter l’album de mon père (ndlr:«Charlotte for ever»). D’abord, je n’ai pas voulu le regarder. Je pensais que ça ne se mariait plus avec qui j’étais aujourd’hui, que les textes étaient trop collés à ceux d’une ado. Ceux que j’ai choisi de faire, je les aime beaucoup. En revanche, je ne referai que ceux qu’il a écrits pour moi, car c’est difficile de choisir dans ses musiques, c’est dur de se dire qu’on a le droit de se les approprier.

En parlant de famille, Lulu a sorti son album, Lou Doillon bientôt le sien. Les conseillez-vous?
Pas du tout, parce qu’ils ne me le demandent pas et que jamais je ne me le permettrais. Ils sont grands. Vous savez, on reste pudiques les uns avec les autres, avec nos projets. C’est délicat, car il faut leur laisser de l’espace. En fait, le premier titre de Lou, je l’ai découvert sur l’internet, comme tout le monde, et je l’ai félicitée comme une simple spectatrice.

Un album qu’elle a préparé avec Etienne Daho, avec qui vous avez aussi travaillé…
Ils se sont vus en dehors de moi. Et, vous savez, ma mère connaissait aussi Etienne bien avant moi. Ce sont des vases communicants, il n’y a rien d’organisé. Et on est tous contents les uns pour les autres.

L’ADN artistique est grand dans votre famille, vos enfants ont-ils déjà des velléités de ce côté?
Il ne faut pas faire peser quoi que ce soit sur eux, ils sont encore petits.

L’aîné a tout de même l’âge que vous aviez lors de L’effrontée?
C’est vrai, je travaillais. Mais je les laisse tranquilles; ce n’est pas dans l’ordre de leurs préoccupations actuellement, enfin j’espère.

Vous allez tourner cet automne Nymphomaniac, votre troisième film avec Lars von Trier. C’est lui qui est revenu vers vous?
Je ne me serais pas permise de lui faire un appel du pied! Il est revenu vers moi très tôt, avant de commencer l’écriture, ça m’a fait plaisir. Tel que décrit, le sujet peut faire peur et, oui, j’ai peur du rôle, mais j’espère que j’arriverai à le faire bien.

Mode, cinéma, musique, on vous sent fidèle…
Oui, j’aime ça. Parce que ça ne m’est pas arrivé jusque-là. La seule personne à m’avoir fait travailler deux fois était Claude Miller et, sinon, il n’y a eu qu’Yvan (ndlr: Attal). C’est agréable de penser qu’un metteur en scène a encore envie de vous après vous avoir subi au montage pendant des mois. Et, en mode, avec Nicolas Ghesquière, c’est devenu une amitié. Il a d’ailleurs dessiné les vêtements de scène de la tournée.

Et réaliser votre propre film?
J’y ai pensé, mais je ne suis pas prête. Quand je vois Yvan adorer faire ce qu’il fait, ça me donne envie, mais je n’ai pas encore les outils. Et, pour que ce soit légitime, il faudrait que ce soit un sujet personnel.