Charlotte Gainsbourg, l’aérienne (Nord Eclair)

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« Stage Whisper » se veut un témoignage de sa première et impeccable expérience sur scène : dix titres live et un DVD documentaire. Mais aussi huit morceaux inédits d’excellente facture. Charlotte Gainsbourg, plus légitime que jamais.

Par Patrice Demailly, Nord Eclair, 8 décembre 2011

Quel recul avez-vous sur vos premiers pas scéniques ?
C’était vraiment une très belle expérience avec un début aux États-Unis, un milieu en Europe et une fin au Japon. À chaque fois, je n’étais pas la même. J’ai l’impression d’avoir appris des choses.

Lesquelles ?
Comme l’émotion de rencontrer un public. L’appréhension que j’avais était justifiée. C’est normal qu’avant d’entrer en scène, on ait le trac. Mais, en même temps, je n’imaginais pas à ce point-là la bienveillance des gens. C’était une vraie bonne surprise. Je m’attendais à ce qu’ils soient aussi critiques que moi. Ils viennent par plaisir et parce qu’ils aiment ce que vous faites.

Êtes-vous si exigeante avec vous-même ?
Je ne sais pas si c’est de l’exigence mais j’ai du mal à supporter mes défauts. Sur un live, il y a forcément des erreurs. Mais j’ai réalisé que les gens veulent un spectacle vivant et pas quelque chose de très léché et qui ne respire pas. Tout le monde me l’avait dit pourtant mais je ne l’avais pas compris auparavant.

Le trac était votre angoisse principale. Comment l’avez-vous géré ?
J’étais incroyablement flippée au tout début. Un peu moins à la fin de la tournée mais c’était toujours présent. Mais je prenais énormément de plaisir une fois sur scène. Et puis, je ne savais jamais à quoi m’attendre parce que le spectacle prenait forme uniquement avec les gens et selon comment ils le recevaient. Je sais que je ne suis pas encore au stade où je peux retourner une salle. Donc je fais en fonction de ce que le public me donne.

Pourquoi sortir huit inédits de grande qualité qui auraient pu figurer sur un prochain album ?
Parce que c’était important pour moi qu’il y ait autre chose dans cet album qu’uniquement le live. D’abord je voulais de l’image donc un DVD, puis des nouveaux titres qui me projettent un peu dans le futur. Le live, c’est arrivé il y a deux ans. J’avais envie de quelque chose de plus excitant pour moi.

Ces nouvelles chansons ont-elles été enregistrées au même moment que le disque « IRM » ?
Certaines faites avec Beck comme All the rain. J’aurais d’ailleurs aimé qu’elle soit sur IRM mais il y avait des choses dans la fin du morceau qui ne lui plaisaient pas. Paradisco était terminée à ce moment-là aussi mais elle ne se fondait pas dans le disque parce qu’il y avait un ton trop différent par rapport au reste.

Et « Terrible Angels » ?
C’est un morceau que Beck a fait bien après la tournée. Je suis retournée le voir – je ne sais d’ailleurs pour quelles raisons – et on en a profité pour se retrouver à Malibu. Je lui ai fait part de ma volonté de chanter différemment c’est-à-dire de manière plus ouverte, plus puissante. J’ai essayé d’être la plus libre possible.

Ces titres electro-pop sont assez éclatés…
C’est grâce aux différents artistes. L’intérêt, c’est de trouver d’autres collaborations et d’entrer dans l’univers de chacun des artistes. Cela a commencé avec le titre de Conor O’Brien (Memoir ) qui joue sous le nom des Villagers. J’avais vécu avec son album à lui pendant très longtemps. Quand on m’a dit qu’il avait fait une chanson pour moi, j’étais vraiment ravie. Avec Asa Taccone et Connan Mockassin, c’était aussi de belles et probantes expériences.

Est-ce aussi pour préparer l’avenir ?
Absolument. C’est justement pour donner une idée ou un avant-goût de vers quoi je pourrais aller. Mais je n’en suis pas sûre encore.

Toujours tâtonnante ?
Je ne sais toujours pas ce que je veux faire après.

Qu’est-ce qui vous fascine chez Beck ?
J’ai le sentiment qu’on peut explorer avec lui, qu’on peut lui donner des idées personnelles qu’il va s’approprier. Il y a un va-et-vient qui me plaît beaucoup.

On doit reconnaître que vous savez parfaitement vous entourer…
Ce sont surtout des artistes que j’admire et avec lesquels on a une envie réciproque de collaboration. Après, c’est assez simple. J’espère que je me serais rendue compte très vite si ça ne fonctionnait pas avec quelqu’un.

Pourquoi êtes-vous attirée davantage par le chant en anglais ?
C’est plus facile parce que j’ai plus de distance avec cette langue. Je me pose donc moins de questions sur la légitimité des textes. Et ça me plaît plus facilement en anglais, ce n’est pas ma langue maternelle. Cela n’a rien à voir avec le fait que je suis moins difficile parce que Beck et Jarvis Cocker ont une écriture que j’aime beaucoup.

Comment vous arrangez-vous avec votre image ?
C’est très compliqué pour moi de me voir. J’avais justement un problème au départ avec la scène parce que, comme je ne danse ou ne joue pas d’un instrument, je me suis dit qu’être plantée derrière un micro n’allait pas suffire. J’ai essayé de trouver des petits instruments, Ivan (Attal, ndlr) m’a donné des conseils pour éviter le côté figé. Après, je l’ai toujours un peu, je ne peux pas aller à l’encontre non plus de qui je suis.

Comment s’organise-t-on quand on a trois enfants et qu’on est très souvent sur scène ou sur les plateaux de cinéma ?
C’est à la fois compliqué et simple. Je ne suis pas une businesswoman comme Beyoncé (rires). J’aime bien en même temps jongler car c’est ça qui rend les choses vivantes.

Qu’avez-vous pensé de l’album de Lulu ?
J’ai trouvé ça très réussi. C’est très courageux de sa part. Ce disque, c’est un cadeau et mon père aurait été très fier.

Pourquoi n’y avez-vous pas participé ?
Il ne me l’a pas demandé. Je pense qu’il avait besoin de faire ça seul. Ma mère et Bambou n’ont pas été sollicitées non plus. C’était important pour lui de ne pas le faire avec la famille. w « Stage Whisper »

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