Charlotte Gainsbourg l’aventurière, Le Figaro – Publié le 21 mars 2007

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Par EMMANUÈLE FROIS. Publié le 21 mars 2007

Elle est une mystérieuse Anglaise qui embarque pour l’Amérique dans le film d’Emanuele Crialese, Lion d’argent au dernier Festival de Venise.

ÉMOUVANTE avec ce filet de voix qui semble se briser à chaque mot pour reprendre vie très vite. Et puis cette légèreté et des cheveux longs dans le vent. Elle a un charme fou Charlotte Gainsbourg. Un je-ne-sais-quoi d’évanescent mêlé à un côté profondément terrien. Surtout, on la trouve merveilleusement épanouie avec de la joie plein les prunelles. « Je trouve que j’ai beaucoup de chance », dit-elle. Portée par l’amour de ses enfants et d’Yvan Attal, par le succès de son album 5 : 55 et par des choix cinématographiques de plus en plus audacieux, rien n’arrête Charlotte l’aventurière. Elle était irrésistiblement peste, culottée, drôle et provocante face à Alain Chabat dans Prête-moi ta main, la comédie d’Éric Lartigau. « C’est toujours agréable quand on vous propose un rôle a priori à contre-emploi, confie-t-elle. Cette fille était grande gueule mais elle avait une sensibi­lité proche de la mienne. Je ne suis pas prude du tout. Et dans l’intimité je ne suis pas lisse ni réservée. »

Elle est une Anglaise rousse flamboyante, corsetée et mystérieuse, qui s’embarque pour l’Amérique au début du XXe siècle avec une famille de paysans siciliens dans Golden Door d’Emanuele Crialese. « Lucy est très énigmatique. Est-elle une bourgeoise, une femme déchue, une prostituée, une princesse ? Sur ce bateau, il y a toutes sortes d’histoires qui se créent dans son sillage. » Emanuele Crialese évoque ici la quête d’un Eden qui se transforme en enfer. Avant d’atteindre le paradis, il faut d’abord en franchir les portes, celles d’Ellis Island. « Ces immigrants avaient l’espoir de trouver une terre promise. Je ne savais pas qu’à leur arrivée on faisait le tri avec des tests d’intelligence. Et puis c’est si dur d’aller vers l’inconnu, d’être déraciné. Il faut un courage inouï. » Ce sujet la touche particulièrement. « Les parents de mon père ont fui la Russie en 1917. Ils étaient musiciens, amoureux de la culture française. Ils ne rêvaient pas d’autre chose que de cette France terre d’accueil. Mes beaux-parents ont quitté l’Algérie au moment de l’indépendance. »

« Petits soucis d’actrice »

À l’évidence, on sent que Charlotte avance avec plus d’assurance mais cela n’empêche pas le doute. « J’ai toujours l’impression de faire un film comme une débutante. Pour les besoins du film, j’ai dû parler italien, ce qui m’a fait paniquer. Et puis il a fallu rester quatre mois en Argentine alors que ce n’était pas prévu. Je ne savais pas s’il fallait enlever les enfants de l’école ou non. J’en ai emmené l’un et pas l’autre… J’ai fait n’importe quoi. C’était terrible. » Elle reconnaît que ce sont « des petits soucis d’actrice ». « Plus jamais je ne laisserai une partie de ma famille derrière moi. » Et cet hiver quand elle a tourné en Argentine The City of your Final Destination sous la direction de James Ivory, elle a emmené tout son petit monde. « J’étais comme sur un nuage. »

Elle qui a débuté si jeune, il y a vingt et un ans, de façon si Effrontée, elle confie n’avoir rien pu faire d’autre que d’être actrice. « Je tournais pendant les vacances, c’était ludique. Il y avait un côté saltimbanque. Après, il a fallu faire un choix. Soit j’entrais aux Beaux-Arts, soit je me disais actrice avec l’angoisse que cela ne marche pas. Je me souviens de périodes creuses. » Elle a pris ses désirs en main en décidant de jouer Oleana. « J’étais allée voir la pièce à Londres et j’ai voulu la monter en France. J’ai beaucoup appris avec Maurice Bénichou. »

Récemment, elle a découvert « le réel plaisir de travailler avec un coach américain. Il m’a aidée lorsque j’ai débarqué en cours de tournage d’I’m not there, le film de Todd Haynes, sur la vie deDylan ». Et elle va bientôt se retrouver pour la troisième fois devant la caméra de l’homme de sa vie, Yvan Attal. « C’est un vrai metteur en scène. Mais il me connaît si bien que cela rend les choses plus difficiles encore. » Par ailleurs, un bonheur en entraînant un autre, le projet d’ouvrir au public la maison de son père, rue de Verneuil, prend corps. « J’ai demandé à Jean Nouvel s’il pourrait m’aider à préserver ce lieu. Il a été inspiré. Il ne reste plus qu’à trouver les financiers ! »

Golden Door, Drame d’Emanuele Crialese avec Charlotte Gainsbourg et Vincenzo Amato. Durée : 1 h 58.

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