Par Stéphanie Belpêche – Le Journal du Dimanche, 25 Janvier 2014
Après Antichrist (2009), qui lui a valu un prix d’interprétation à Cannes, puis Melancholia (2011), Charlotte Gainsbourg incarne Joe, une jeune femme esclave de son désir dans le sulfureux Nymphomaniac.
Comment avez-vous réagi en lisant le scénario?
Cela n’a pas été une surprise totale. Au Festival de Cannes il y a trois ans, Lars von Trier avait annoncé qu’il voulait tourner un film porno avec Kirsten Dunst et moi. J’ai cru que c’était une blague ! Plus tard, il m’a envoyé un synopsis. La ligne directrice était très claire : il y aurait du sexe mais aussi beaucoup de dialogues. Je n’étais pas toujours d’accord avec mon personnage, Joe, mais je la comprenais, j’éprouvais de l’empathie pour elle. J’étais flattée et fière que Lars m’offre encore un rôle. Je crois qu’il m’aime beaucoup. C’est réciproque.
Que pensez-vous de Joe?
Sa quête de soi lui fait tenter toutes les expériences sexuelles possibles et imaginables, jusqu’à la souffrance. Lars a rencontré de vraies nymphomanes. Elles ne passent pas leur temps à s’éclater. Pas de plaisir ni d’excitation, mais de la douleur. Joe n’a aucune foi en l’espèce humaine. Elle se rend compte de ses erreurs, mais n’a aucune pitié vis-à-vis d’elle-même. Je n’ai pas ce cynisme, je suis plus positive et naïve.
«Je suis prête à aller loin, mais pas avec n’importe qui. J’adore être manipulée par Lars»
Est-ce facile pour vous de tourner nue?
C’est ce qui me gênait le plus. Si le public pense que j’ai vraiment participé aux scènes d’amour, cela ne me pose aucun problème. Notre métier d’acteur consiste à faire croire. Par contre, me déshabiller… Le technicien qui confectionne depuis des années de faux sexes pour Lars m’a décontractée en me faisant visiter son laboratoire. Il y avait des dizaines de pénis et de vagins sur ses étagères! Le jour où on m’a posé une prothèse dès 8 heures du matin, j’ai immédiatement dédramatisé. En fait, c’était plutôt marrant de découvrir les coulisses. Je me rappelle de la séquence avec les deux Africains, dotés d’attributs impressionnants. [Rires.] J’ai joué avec une culotte puis une actrice porno m’a remplacée.
Vous n’avez jamais été mal à l’aise?
Lorsque Joe s’essaie au sadomasochisme. J’étais entravée, dans une position humiliante. Je suis prête à aller loin, mais pas avec n’importe qui. J’adore être manipulée par Lars, je suis une pâte à modeler entre ses mains. Il m’a mise en confiance et rassurée pour que je le surprenne.
Pas évident de se voir à l’écran dans un film pareil?
Au début, j’avais très peur. Je me demandais dans quoi je m’étais embarquée. Je me sentais totalement dépassée. D’autant que sur Internet, on ne parlait que du côté sulfureux. J’ai vu son montage de 5 h 30. Mes doutes se sont dissipés.
Des projets?
Plusieurs, à commencer par la nouvelle comédie d’Olivier Nakache et d’Éric Toledano, Samba, avec Omar Sy. Après ça, j’avais besoin de légèreté!